mardi 16 février 2010

mardi 27 février 2007

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Il sortit sans dire un mot. Même pas « au revoir », rien. Peut-être était-il triste, peut-être pas. Il n’en savait fichtrement rien. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il était à la fois mal et à la fois, libéré. Il était libéré d’un poids. Celui de ne pas avoir fait ce qu’il fallait pour mettre un terme à cette histoire qui ne pouvait pas se terminer bien.

Bah oui, des fois, les gens se rencontrent, ils se plaisent mais ils ne se sont pas rencontrés au bon moment. Alors ça ne peut pas marcher. C’est sûr. Mais lui, bien qu’il le sache, il ne veut pas le croire. Alors il persiste, il insiste, il patiente. C’est égoïste mais il se dit qu’il a attendu assez de temps pour vivre son histoire. Alors il marche dans la rue, la tête pleine de tout et de rien.

Rupture. C’était fait. Il ne comprenait pas. Il n’était pas triste. Mieux que cela, il avait envie de passer à autre chose. Cela faisait deux semaines déjà qu’il y pensait tout en s’interdisant de le faire. Alors, à peine au bout de la rue, il téléphona. La fille qui lui avait donné son numéro décrocha. C’était étrange mais c’était bien. La discussion fut courte et facile. Ils se donnèrent rendez-vous le soir même pour vingt heures.

Quand il raccrocha, il eut cette impression de plus être tout à fait lui. Il était libre, de nouveau prêt à être heureux, prêt à donner à qui voudra bien. Il rentra chez lui en tramway. Le temps de manger un morceau vite fait, il était presque l’heure qu’il y aille. Il rappela la fille. Précision sur le lieu de rendez-vous. Vingt minutes plus tard, il était là.

Elle aussi était déjà là. Elle était habillée en bonbon italien rose, le dos nu, les cheveux attachés en arrière. Elle était jolie et même craquante comme cela. Ils partirent en marchant tous les deux. Elle lui dit que cela lui fait bizarre. Quand il lui demanda pourquoi, elle lui répondit que cela lui faisait bizarre de le voir en dehors du boulot. La remarque était anodine, pensa-t-il et il n’y prêta aucune attention. C’est vrai qu’après tout cela pouvait faire étrange.

Où aller ? Lui n’y avait pas vraiment réfléchi mais il pensa au bar où il avait été la première fois avec celle avec qui il venait de rompre. Etrange choix peut-être mais en attendant, il ne fallait pas chercher midi à quatorze heures, il aimait bien ce bar.

Ce soir-là, il n’arrêta pas de parler. Parler de lui et de ses petites misères. Il lui parla de son histoire qui venait de se terminer là, juste avant. Il savait que ce n’était pas forcément la chose à faire mais comme cela, c’était fait.

Elle lui raconta comment elle l’avait remarqué quand il venait tous les midis avec ses collègues de boulot. C’était étrange mais il paraissait un peu à l’écart et parfois même absent. Il paraissait gentil avec sa drôle de tête, chaque fois qu’il passait à la caisse. Parfois il ne disait rien ; parfois, il lançait un petit mot d’encouragement. A chaque fois, elle essayait de lui jeter un regard pour déceler la preuve d’un quelconque intérêt. Mais c’était difficile de se faire une idée.

Pour lui, il lui dit que le boulot, ce n’était pas reluisant, parfois même chiant. Tous les midis, dans le même restaurant, et puis, ce jour, où il eût cette petite nouveauté : une petite serveuse toute mignonne, toute gentille. Quand il passait régler, il essayait quand il n’avait pas trop la tête dans les nuages, de glisser un petit mot gentil et de lancer un regard à cette jeune fille. C’était comme ça, mais peut-être était-elle un peu jeune pour lui.

Après elle lui raconta que janvier, février, mars se ressemblèrent dans le scénario. Elle avait fini par le confier à une collègue. C’est sûr que cela pouvait paraître risible d’être en attente comme cela d’un tout petit rien. En plus, c’était vrai qu’elle n’était pas libre. Elle avait son mec qu’elle ne se résignait pas à quitter. Par défaut d’autre chose, par manque de courage, par peur de lui faire mal. En même temps, elle le connaissait bien dans tous ses défauts et ses qualités. Pourquoi aller voir ailleurs ? Envie d’autre chose ? Envie de sortir de cet ordinaire réglé comme du papier à musique ?

De son côté, il lui confia que mars fût une drôle d’histoire. Une sortie dans la semaine puis une petite amie en guise de cadeau d’anniversaire. Les choses de la vie se déroulent de manière inattendue des fois. Bon, il ne savait pas où il allait. Le problème, c’était que le contexte faisait que cette liaison devait rester dans le silence. C’était une volonté d’elle et lui, même s’il ne l’analysait pas comme ça, s’il le fallait, il était prêt à respecter cette règle.

Après les choses commencèrent de se rejoindre. Lui comprit bien les sentiments de la petite serveuse qu’elle était. Et elle comprit bien aussi qu’il n’était pas libre et qu’il était timide un peu comme elle.

Il lui raconta ensuite ses misères avec son ex : qu’elle ne voulait pas qu’on lui dise « je t’aime », qu’elle lui disait qu’il lui fallait du temps… Et que lui, même si tout était à l’envers de lui-même, il avait décidé d’être patient cette fois-ci.

Alors, elle lui dit qu’elle avait fini par remarquer qu’il avait maigri ces derniers mois. Il avait l’air malade et morose. Quand elle lui avait offert sa bière un midi, il ne l’avait même pas remarqué.

lundi 15 janvier 2007

Introduction

Les choses de la vie sont assez étranges des fois. Elles n’ont pas le sens des mesures. Le temps, l’intensité ne suivent pas tout le temps une règle croissante et proportionnée. Je le croyais avant que ne m’arrive ce que je compte vous conter là, ce soir. C’est une des premières fois que je prends le temps de me poser. Depuis maintenant, six mois, me vie a pris un tournant que je n’aurais jamais envisagé. J’ai pris l’habitude depuis quelques semaines de l’appeler mon histoire de rien. Pourquoi ? Parce c’est une histoire de rien. Rien est le mot qui résume tout, toute la pensée de celle qui me l’a fait partager autant que tous les événements qui ont pu se passer. Peut-être ne comprenez-vous pas ce que je veux dire par là tout et maintenant. Mais quand vous aurez lu ce récit en entier, vous jugerez. Je ne vous impose pas de lire. J’aurais sûrement préféré garder cette histoire pour moi, avant. Mais je ne sais pourquoi il y a un moment où la pudeur disparaît. C’est une espèce de sentiment de vouloir témoigner, de vouloir consigner chaque détail sur papier, pour peut-être comprendre plus tard ce qui s’est passé. C’est peut-être vain, cette quête pour entendre des événements qui n’ont aucune logique, enfin que l’on croit. Mais je le fais aussi pour elle. Pour qu’elle comprenne un jour ce que j’ai pu lui dire, lui écrire. J’espère aussi la sauver d’un raisonnement qui ne tient pas debout parce que je sais qu’elle en est capable.

La Fille du Rien (Roman)

Prélude

Tout a commencé dans la chaleur de juin. A l’époque, tu me regardais avec tes yeux gloutons. J’avais l’impression que tu voulais me manger et je pouvais me voir dans tes yeux d’une manière donc je ne m’étais jamais regardé. C’était une chose bizarre pour moi, je n’en avais pas l’habitude.

Tout a commencé dans la chaleur de juin. A l’époque, le temps défilait à tout vitesse. Je me rappelle du premier soir où j’ai voulu t’embrasser et où tu t’es reculée mais pas brutalement, juste pour me dire : « je ne suis pas sûr ». Je me rappelle du soir qui a suivi, quelques jours après à peine et là, tu t’es laissée faire, pas tout à fait sûre non plus : mais pourquoi pas ?

Et puis le temps a paru se distordre à tel point que, tu te rappelles, tu m’as demandé depuis combien de temps, nous étions liés : « dix ans » m’as-tu dit. Nous étions dans le même délire, à refuser de voir la réalité en face. Ce que nous faisions, cette relation passionnée qui devait restée dans le secret, nous n’avions pas vu que les autres ne l’accepteraient pas.

A ces autres, moi j’ai dit « merde ». Pourquoi l’amour ne pourrait-il pas être ainsi ? Fou, un peu naïf, et complètement en dehors de la norme. Je sais, nous n’étions pas les premiers à traverser cet interdit mais c’était nous. Les autres, qu’est-ce qu’ils comprennent de toi ? Ils ne voient que les apparences. Toi, tu ne le supportes pas, je sais. C’est pour cela que j’essaie de rester dans l’ombre même si ça m’arrive de l’oublier dans un accès de folie. Mais je croyais que tu l’avais compris.

Je suis un petit enfant qui a peur de montrer ses sentiments et quand il se sent enfin aimé et aimer : voilà, il ne peut rien. Il doit rester dans son mutisme. Et il se sent piégé. S’est-il piégé tout seul ? Non car, en fait, lui, il veut vivre, il veut t’emmener dans un monde dont tu ne soupçonnes même pas l’existence. Il veut que tu fasses tes valises et que tu partes avec lui, loin des conventions de toutes sortes.

Il n’y a pas de contraintes dans ce monde, il faut juste laisser de côté le passé où il est.

Je ne connais pas l’avenir, je ne sais pas si je t’aimerais toujours comme je t’aime là tout de suite. Mais pourquoi cet amour se tarirait ? Je n’ai trouvé aucune raison qui me fait t’aimer, je t’aime comme tu es et je suis sûr comme tu deviendras. Ce n’est pas une promesse, simplement une intuition sinon, pourquoi serais-je encore là ? J’ai de la route, tu sais, ce n’est pas la première fois que je vis cela, une petite période de froid. C’est généralement, synonyme de la fin et là, moi, j’ai l’impression que ce n’est que parce cela va commencer.

Mais voilà, il faut franchir le pas. Tu peux ne pas venir avec moi. Je respecterai même s’il doit me rendre triste. Je sais que quelques années nous séparent mais tu vois, j’ai appris qu’il ne fallait pas hésiter. Même si on doit se rendre malade, même si on doit faire une croix sur certaines choses ; de toute façon, si ces choses sont réelles, elles te suivront tôt ou tard sur le chemin que tu as emprunté.

Tu m’as dit l’autre jour que tu étais égoïste : je n’ai pas dit le contraire. Tu n’es pas égoïste quand tu ne fais pas les choses sous la contrainte. Toi, tu confonds la contrainte et l’engagement. Ce n’est pas l’engagement que tu crains, c’est bel et bien la contrainte. Je ne t’ai jamais rien demandé en retour de ce que je te donnais. Ce n’est pas que je m’en fous, mais je sais, que tu me le rendras à ta façon. T’as l’impression d’être en défaut ? Pourquoi, il n’y a pas de calcul quand on aime. On se rétribue par le plaisir que partager, offrir à une personne que l’on estime.

Mais bon, toi-même, tu le dis, il faut qu’on se parle même si tu ne trouves pas le temps pour cela. L’amour, c’est une maison qui se construit à deux. De la même manière s’il est question de la déconstruire. Comme ça, il n’y a pas de haine dans la séparation. Tout autre forme, c’est de l’enfantillage et parfois, il faut apprendre cela aux autres. Moi, je l’ai appris d’une autre et même si je n’ai pas tout saisi dès le début, les années passant, elle avait raison. Elle a suivi un autre chemin sans jamais me perdre de vue. J’ai fait la même chose. Ce n’est pas vraiment de l’amour mais ce n’est pas vraiment de l’amitié. C’est autre chose. Un peu comme une sœur.

Bon voilà j’arrête là pour l’instant, ma Nymphette. Je sais bien que tu ne liras jamais ce billet, mais voilà, je t’aime et j’ai envie de le dire au monde entier.


1

Comment raconter cette histoire ? Il y a un peu plus d’une semaine, il aurait pu vous dire que c’était sûrement la plus belle histoire de sa vie. Mais voilà, la vie est ainsi faite que parfois, les choses peuvent se dégrader en l’espace de quelques jours, de quelques minutes. Cette histoire a commencé dans la chaleur d’un mois de juin, somme toute un peu bizarre. Elle s’est finie dans la chaleur d’un mois de septembre complètement pourri.

C’est une histoire toute simple à la base : deux êtres un peu paumés tous les deux qui se rencontrent, qui parlent, qui s’apprécient et qui décident de faire un petit bout de route ensemble malgré les incohérences de l’un et de l’autre. Une histoire simple et compliquée sur le papier mais ces deux êtres n’en avaient que faire, du moins au début.

C’est elle qui a fait le premier pas. Elle ne savait pas trop pourquoi, ni trop où elle allait en faisant cela. Elle n’anticipait rien. L’avenir, c’était bien trop compliqué d’y penser. Elle avait bien un copain mais elle ne l’aimait plus, ils passaient leur temps à s’engueuler. Il ne se passait plus rien entre eux depuis de six mois et puis voilà. C’était le creux de la vague.

Pour lui, c’était un peu comme une seconde chance. Il venait juste de terminer une histoire de trois mois qui n’avait jamais voulu décoller.

*

Il venait tous les midis avec ses collègues de boulot. C’était étrange, mais il paraissait un peu à part, parfois absent. C’est peut-être pour cela qu’elle l’avait remarqué. En plus, il avait une tête qui lui plaisait. Il paraissait gentil chaque fois qu’il passait à la caisse. Parfois, il ne disait rien. Parfois, il lançait un petit mot d’encouragement. Chaque fois, elle essayait de lui jeter un regard pour voir si elle pouvait voir un quelconque intérêt. Mais c’était difficile de se faire une idée.

*

Le boulot, ce n’était pas reluisant. Parfois chiant. Tous les midis, dans le même restaurant. Mais il y avait une nouveauté : une petite serveuse tout mignonne, gentille. Quand il passait à la caisse, il essayait quand il n’avait pas trop la tête dans les nuages de dire un mot gentil et de jeter un regard à cette petite jeune fille. Elle était peut-être un peu jeune pour lui.

*

Janvier, février, mars. Toujours le même scénario. Elle en avait parlé à sa collègue. Bien sûr, cela pouvait paraître risible. En plus, c’est vrai qu’elle n’était pas libre. Elle avait son mec qu’elle ne se résignait pas à quitter. Par défaut d’autre chose, pas manque de courage, par peur de lui faire mal. En même temps, elle le connaissait si bien dans tous ses défauts et ses qualités. Pourquoi aller voir ailleurs ? Envie d’autre chose. Envie de sortir de cet ordinaire réglé comme du papier à musique.

*

Mars. Drôle d’histoire. Sortie ciné dans la semaine et une petite amie comme cadeau d’anniversaire. Les choses se font bizarrement des fois. Bon, il ne savait pas trop où il allait. En plus, elle bossait dans la même boîte que lui : ça pouvait devenir compliqué que les choses tournent bien ou mal. Problème, il faut garder cela sous silence, c’est elle qui le veut. Il ne sait pas pourquoi mais bon, s’il le faut, il peut respecter cette règle.

*

Bon, ça y est, il sait. Comment ne le saurait-il pas avec toutes les remarques des collègues ? Il sourit mais c’est tout. Il est timide comme elle.

*

Pourquoi des règles ? Elle ne veut pas qu’on lui dise « je t’aime ». Cela va être compliqué. Elle dit qu’il lui faut du temps. Pourquoi pas ? Il a quand même l’impression d’en être au même point qu’il y a un mois. Il veut aller trop vite sûrement. On lui fait toujours ce reproche. Alors patience.

*

Il sait. Il sait aussi qu’elle n’est pas seule mais que voilà, cela ne sera pas un problème. Elle sait aussi par ses collègues qu’il est avec quelqu’un. A priori, cela ne fait pas longtemps. Elle a remarqué qu’il avait maigri ces derniers. Malade ? Il a l’air morose aussi. Elle lui a offert sa bière, il ne s’en est même pas aperçu.

*

Il voudrait croire que les choses vont s’arranger. Il sait qu’il va trop vite et qu’il en veut trop. En même temps, il faudrait qu’elle lâche un peu de leste au lieu de freiner des quatre fers. Lui, il sait que cela pourrait faire en sorte que l’incompréhension arrête de s’agrandir. Il a besoin d voir que les choses évoluent et ne stagnent pas.

*

Un truc de fou. Elle lui a glissé vite fait bien un petit papier avec son numéro. Il a hésité mais il l’a pris. Etait-ce de l’hésitation ? De la surprise ? Bah, s’il est intéressé, il l’utilisera sinon il le jettera.

*

Dilemme. La petite serveuse lui a filé son numéro de téléphone. Il en a parlé à celle qui s’éloigne de plus de plus, de jour de jour. Elle a paru agacée. Elle a noté son numéro de téléphone au dos du papier et elle lui a conseillé de lui donner comme son propre numéro. Il l’a regardé. Il lui a dit qu’il ne savait pas s’il pouvait faire cela. En même temps, pourquoi le ferait-il alors que rien ne semble s’arranger ? Au final, il finit par se demander à quoi il joue en étant aussi honnête.

*

Il continue de venir. Il ne l’a toujours pas appelée. Et pourtant, il lui sourit. Il a l’air de plus en plus creusé. Qu’est-ce qu’il attend ?

*

Week-end réussi. Elle a l’air d’avoir apprécié mais toujours aussi distante. Dans son téléphone, il a mémorisé le numéro de la petite serveuse et il s’est promis de l’utiliser si tout vient à s’écrouler avec l’autre.

*

Pas venu aujourd’hui. Trop triste. En même temps, pas le temps de trop y réfléchir.


2

Rupture. C’est fait. Il ne comprend pas. Il n’est pas triste. Mieux que cela, il a envie de passer à autre chose. Cela fait deux semaines déjà qu’il y pense tout en s’interdisant de le faire. Il téléphone. La fille qui lui a donné son numéro décroche. C’est étrange mais bien. La discussion est courte et facile. Ils se donnent rendez-vous le soir même pour vingt heures.

Quand il raccroche, il a cette impression de plus être tout à fait lui. Il est libre, de nouveau prêt à être heureux, prêt à donner à qui voudra bien. Il rentre en tramway chez lui. Le temps de manger un morceau vite fait sur le gaz, il est presque l’heure qu’il y aille. Il rappelle. Précision sur le lieu de rendez-vous. Vingt minutes plus tard, il est là.

Elle aussi est déjà. Elle est habillée en bonbon italien rose, le dos nu, les cheveux attachés en arrière. Elle est jolie et même craquante comme cela. Ils partent en marchant tous les deux. Elle lui dit que cela lui fait bizarre. Quand il lui demande pourquoi, elle lui répond que cela lui fait bizarre de le voir en dehors du boulot. La remarque est anodine, pense-t-il, il n’y prête aucune attention. C’est vrai qu’après tout cela peut faire étrange.

Où aller ? Lui n’y a pas vraiment réfléchi mais il pense au bar où il avait été la première fois avec celle avec qui il vient de rompre. Etrange choix peut-être mais en attendant, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures, il aime bien ce bar.

*

C’est leur second rendez-vous. Ils se rejoignent en fin d’après-midi et retournent dans le même bar que la première fois. Ils discutent, s’observent et s’étonnent d’avoir tant de choses à se dire. C’est étrange mais le contact est facile, ils ne réfléchissent pas trop. Ils parlent tellement que l’heure tourne et ils se rendent compte qu’il leur faut trouver un restaurant. Ils ont projeté d’aller au cinéma ce soir. Ils vont dans une petite pizzeria pas très loin. La terrasse est comble. Ils sont un peu à l’écart des autres tables.

*

Il l’a raccompagne jusqu’à sa voiture. Lui est garé un peu plus loin. Il est séduit. Il ne sait pas vraiment comment il va faire pour lui faire comprendre. Dans sa tête, c’est un combat. Il a peur de montrer ce genre de sentiments car il a toujours l’impression de s’exposer.

Ils arrivent au niveau de la voiture. Ils se regardent et échangent deux trois sans importance, histoire de dire qu’ils ont l’un et l’autre, apprécier la soirée. Ils se rapprochent pour se dire « à plus tard ». Il ne sait pas pourquoi mais il rapproche ses lèvres des siennes. Le mouvement est intuitif mais elle se ravise et se recule. Ils se regardent. Lui comprend mais voilà, c’est son cœur qui s’est exprimé et pas sa tête. Cela se lit dans ses yeux. Après un petit instant ou un grand peut-être, ils finissent par se faire la bise tendrement. Ils ne se sont rien dit mais en même temps, ils se sont tout dit.

Cela fait parti de ces moments inoubliables.

*

Il ne pense pas avoir de nouvelles avant la semaine suivante et il se trompe. En fait, il ne sait pas si c’est le fait que la soirée de jeudi lui ait vraiment plue comme elle lui l’avait dit par un SMS quelques minutes après qu’ils se soient quittés :

« Juste un piti mess pour te remercier,g passé une bonne...meme très bonne soirée.bon courage pour demain dur dur le réveil...biz... »

En tout cas, il reçoit un nouvel SMS qui lui paraît la preuve qu’elle s’intéresse à lui :

« Coucou jeune homme je suis au boulot et g regardé mes horaire pr la semaine prochaine donc si un ciné Ça te dit toujours je travail pas demain soir et lundi soir. voilà. bonne soirée à toi. biz. »

C’est étrange mais au moment où il reçoit le message, il est en train de se tâter pour lui envoyer un message. Comme jeudi soir, ou plus exactement vendredi matin, il s’en est un peu voulu d’avoir essayé de l’embrasser alors qu’il savait parfaitement qu’elle n’en était pas encore là, il s’interroge à propos de savoir s’il vaut mieux qu’il la laisse tranquille pour le week-end ou s’il faut qu’il maintienne le contact. Avec ce message, cela lui enlève la question. Alors il lui répond en tout honnêteté :

« J'allais jst t'env un msg pr savoir comnt allait ma Nymphette préférée. Pr le ciné, dem1 no souci. lundi soir, vais sûrmnt manger avc un ami. Passe-moi un coup de tel qd tu seras rév dem1 pr kon qd & où on se rejoint. Bon courage. Bisous. »

Le contenu du message lui parait suffisamment équilibré pour montrer la tendresse qu’il éprouve pour sa Nymphette sans pour autant, être trop démonstratif sur son affection. Cependant, un paramètre lui a échappé (mais il ne pouvait pas le savoir). Second message de Nymphette :

« Ok PITI lou mai je t'appelerai après mon TAF car je travail demain midi. bisous à dem1. »

Il hésite à répondre mais pour quoi dire ?

*

Ils se garent. Il sort de la voiture. Elle ferme la portière et sort, elle aussi. Ils se regardent. Il ne sait pas ce qu’elle va décider.

« Tu veux monter cinq minutes ? »

Elle ne répond pas. Elle ne sait pas. Ils s’approchent l’un de l’autre. Il la prend dans ses bras. Elle tremble un peu. Lui aussi est fébrile. Ils ont le regard de l’un plongé dans celui de l’autre. Ils savent ce qu’il va se passer. Maintenant, c’est évident et inévitable. Leurs lèvres se rapprochent et ils s’embrassent. C’est un baiser long et tendre. Chacun ferme les yeux pour ne garder que la sensation. Quand leurs visages s’écartent enfin, ils se regardent de nouveau.

Ils se prennent la main et montent alors à l’appartement en silence. Ils s’arrêtent presque à tous les étages pour s’embrasser. Chaque fois, leur peur, leur timidité respective s’effacent un peu plus. Il ouvre la porte de l’appartement, ils sont encore enlacés. Il referme maladroitement. Puis ils glissent lentement mais sûrement vers la chambre. Leurs esprits commencent à s’échauffer. Ils ont envie l’un de l’autre. Cela devient évident maintenant. Ils tombent sur le lit, complètement habillés. Leurs corps commencent à se répondre. Ils sentent la chaleur que l’autre dégage. Cela dure une éternité.

Puis ils font une pause.

« Tu veux rester ? »

Il n’obtient pas une réponse verbale mais un simple regard, une simple expression. Il la serre dans ses bras. Ses mains parcourent son corps et enlève les dernières barrières. Comment décrire ces instants-là. Ces minutes qui durent une éternité.

*

Deuxième nuit chez lui.

*

Elle s’en va. Il est un peu triste mais son cœur lui est heureux. Il faut bien qu’elle aille à son boulot des fois. Il sourit. Il traîne un peu : c’est le week-end. Il se fait un petit déjeuner tranquillement et il se décide à prendre un bain pour se délasser de la semaine. Il est comme sur un nuage, il flotte dans un brouillard de tendresse, de désir et d’amour. Cela peut paraître ridicule mais lui, il est comme cela. Quand il commence à aimer, il n’a plus de honte, plus de timidité par rapport à ses sentiments. Pourquoi en aurait-il ? Tout ce qu’il ressent, ce sont des trucs qui viennent de ses entrailles. Au fond de son bain, il ferme les yeux et rêve éveillé.

Soudain, la sonnette de la porte d’entrée résonne. Il se rince rapidement. Qui est-ce ? Il n’attend personne. Il attrape un serviette et répond à l’interphone : c’est elle, elle est revenue juste avant de partir en speed au boulot.

Elle monte et il lui ouvre. Il la prend dans ses bras et ils s’embrassent, ils s’enlacent. Il la porte vers le canapé. Ils se fouillent. Elle sent qu’il a envie d’elle. Seul sa maigre serviette de bain fait barrière. Elle fait glisser la barrière. Il lui enlève ses dernières défenses. Il l’emmène dans la chambre et la pose sur le lit. Ils sont un peu sauvages. Ils font l’amour en dix minutes.

Ils se regardent. Il est encore en elle quand elle regarde sa montre. Elle a un sourire.

« Je vais être en retard. »

« Sniff. » laisse-t-il échapper, un sourire en coin.

Il la laisse s’évader. Elle s’éclipse dans un dernier baiser.

Une heure se passe et elle lui envoie un message.

« G adoré ce matin... »

Que dire de plus ?

*

A quinze heures, ils se rejoignent au petit bar habituel. Ils sont amoureux et cela se voit. Les autres les regardent mais eux s’en fichent. Ils parlent, partagent et s’embrassent. Il n’y a pas de règle en amour et même si il y en avait, ils les briseraient sans effort.

*

(en cours d’écriture)

*

Ce matin-là, il la regarde longuement dormir. Il passe doucement sa main sur chaque centimètre carré de sa peau pour voir si elle est réelle ou si elle n'est qu'un mirage issu de son imagination.

Il se prépare pour le boulot et pendant qu’elle dort encore, il pense que tout est possible après tout. Mais il est encore dans un petit nuage. La nuit est courte comme toujours avec elle.

Il partira en lui laissant ses clés pour le lui dire, et si elle dit pas non ça voudra dire qu’elle m'aime. Il a des doutes sur ce qu’il fait : trop tôt, trop lourd à porter ?

Alors il retourne la regarder. Elle se réveille alors avec ce petit brouillard d'amour dans les yeux. Ses doutes disparaissent.

Ils s’embrassent et il s’en va.

Le soir, quand il revient, il trouve un mot d’elle comme pour lui dire qu’il ne s’est pas trompé :

« Je suis trop contente d'avoir passé la nuit avec toi. Je te fais tout plein de gros gros bisous d'amour, ptit lou. Enormes bisous. »

C’est écrit sur un morceau de papier essuie-tout. C’est dérisoire mais c’est tellement joli. Il a des larmes qui lui montent dans les yeux. Même s’il s’en veut un peu d’être touché par si peu de choses, il a tellement attendu cela qu’il est tout simplement heureux de ressentir une émotion sans fard, ni paillette, pleine de petits riens.

*

Quatre jours. L’attente dura quatre longs jours pendant lesquelles, il s’enferma chez lui, incapable de penser à autre chose qu’aux événements du week-end. Il essayait de comprendre ce qui s’était passé. Il s’en voulait de ne pas avoir réussi à trouver le moyen d’éviter l’inévitable. Mais c’était inévitable. Cela, il le savait que trop bien.

Quatre longs jours à tourner en rond dans sa tête, à dérouler chaque seconde de cette semaine. Aucune logique dans tout cela. Simplement, un glissement vers un désarroi insensé et incompréhensible. Mais voilà, comment expliquer les choses sans se vendre complètement ? C’était impossible. Il ne voulait pas dire les choses : elles étaient trop tristes. Pourquoi gâcher du papier à écrire des choses moches. S’il devait la revoir, c’était pour reprendre l’histoire à l’étape du bonheur. Cet épisode, on pouvait le mettre aux archives. En même temps, que s’était-il passé ? La vérité devenait évidente pour tout le monde. Qui cela pouvait-il gêner ? Au bout de trois mois, c’était suffisant pour commencer à faire quelque chose, à faire un choix. Qui cela surprenait-il ? Personne. Tout le monde était plus ou moins au courant. Et puis, c’était mieux en fait. C’était défaire les chaînes de leur relation. Elle était déjà belle. Elle ne demandait plus qu’à s’envoler. Mais voilà. Le doute commençait à s’emparer de lui. Elle, le réalisait-elle ? Réalisait-elle que c’était une étape pour magnifier l’histoire ?


3

Il ne sait plus quoi faire. Sa tête va exploser et personne ne lui semble valable pour lui donner un conseil quelconque. Il va sur Internet et il poste un message sur un forum.

« Je vais essayer de faire court mais voilà j’ai entamé une relation il y a trois mois avec une fille qui est venue vers moi et nous sommes ensemble. Sauf qu’elle a un mec qu’elle n’aime plus mais qu’elle ne veut pas quitter parce qu’elle ne sait pas ce qu’il ferait. Moi, j’ai ignoré cet élément au départ puis je lui ai dit que ça ne me dérangeait pas. Elle pouvait prendre le temps qu’il faudrait. Et puis les vacances, retour de son mec, impossible de la voir et depuis, c’est un vrai casse-tête. Moi, je m’énerve de la situation et elle me dite de ne pas en rajouter. Mais bon, si je suis pour quelque chose dans le fait qu’elle est entre deux mecs, moi je ne suis pour rien si elle ne quitte pas son mec. Donc ça fait quatre semaines qu’on ne se voit pas, elle n’a pas l’air de vouloir me quitter (en même temps, c’est pas facile à savoir). Elle me dit qu’il faut qu’on discute mais elle ne vient pas et moi, je ne vais pas débarqué chez elle ! En clair, je suis paumé… Si quelqu’un peut m’éclairer… »

Quand il appuie sur la touche pour envoyer le message, il se dit en même temps que le résumé est vraiment très résumé. Il va chercher une bière dans son réfrigérateur. Dix minutes se passent, première réponse.

Deborah90 laisse un message assez radical :

Laisse tomber cette fille :

1. elle ne sait pas où elle crèche

2. elle n’a pas l’intention de quitter son homme (ou pas dans l’immédiat)

3. 1 + 2.

Il répond :

C’est pas un peu radical ? Comprends pas pourquoi elle m’a dit qu’elle m’aime trop la dernière fois que je l’ai vue…

Cette fois, c’est Sarah-h qui lui répond.

Désolé mais je pense que tu vas droit dans un mur.

Ca fait combien de temps qu’elle est avec son copain ?

Sérieusement, c’est une drôle d’histoire. Pourquoi as-tu accepté qu’elle sorte avec un autre gars en même temps ? Tu n’as pas pensé que cela allait créer des problèmes ? J’espère simplement que tu ne t’es pas attaché à elle…

Laisse-la tomber ! Elle n’en vaut vraiment pas la peine.

Et moi aussi je sais dire je t’aime à n’importe qui…

Courage, bisous

Le bisou le réconforte. Il aime la tendresse même s’il vient de nulle part. Il répond :

4 ans et c’est son premier.

Pourquoi j’ai accepté ? En fait, je ne sais pas. J’ai enchaîné cette relation après avoir mis un terme à une autre qui a été une longue agonie d’un mois. En plus elle est plus jeune (cinq ans) et je sais ce que c’est que quitter son premier amour (c’est compliqué). Et puis c’est super étrange peut-être mais les choses se sont faites vite et simplement donc pas besoin de se poser de questions. Et pour la dernière question malheureusement, si. J’ai commencé à super accroché la semaine d’avant que la chanson je t’aime moi non plus commence.

C’est alors qu’Ophelie1234 intervient :

Sérieusement si elle était vraiment amoureuse, elle l’aurait déjà quitté. J’ai quitté moi aussi mon premier amour pour un autre. C’est difficile mais par amour, on peut tout faire.

Il était d’accord avec Ophelie1234. Dans un monde ordinaire et normal, par amour, on peut tout faire… Mais. Peut-être qu’Ophelie1234 avait raison mais alors…

Mais alors pourquoi venir me chercher ? J’étais encore avec ma longue agonie et c’est elle qui a insisté. C’est elle qu’a commencé à s’installe chez moi. Pour ma part, c’était un peu compliqué de laisser des affaires à moi chez elle avec son tabilan. C’était juste pour les vacances ? Ou c’est du sadisme. Il s’est déjà pris un mur juste avant moi et je vais lui en faire manger un second. Mais c’est vrai que c’est pas clair, les raisons pour lesquelles elle ne quitte pas.

Ophelie1234 ne met pas longtemps à lui répondre :

Vas savoir il y a des gens qui aiment jouer. Ou qui veulent le beurre et l’argent du beurre. Parfois aussi il ne faut pas tenter de comprendre certains comportements au risque de toujours trouver des excuses. Si tu n’es pas heureux, fais en sorte de prendre une décision qu’elle n’est apparemment pas capable de prendre. Soit elle le quitte et vous commencez une jolie histoire sans l’autre dans les parages. Soit elle reste avec et tu la quittes pour être heureux avec une autre qui voudra être avec toi et SEULEMENT avec toi.

Commencer une jolie histoire. C’est ce à quoi il a aspiré depuis le début, quelque soit les circonstances. Non, il n’était pas heureux. Oui, il savait que la décision, c’est lui qui devrait la prendre car, oui, il savait aussi qu’elle ne la prendrait jamais. Elle n’avait pas quitté l’autre alors que c’était son officiel, alors lui. Mais voilà, il marche encore sur la tête et son espoir est plus fort que son désespoir. Il poste alors une réponse :

Je pense à cette solution car cela me paraît la plus équilibrée. Je n’ai pas envie d’être un bourreau : si jamais elle m’aime toujours, j’ai pas envie de la faire souffrir (c’est p’têt étrange, mais œil pour œil, dent pour dent, je ne sais pas faire, je suis pas un méchant à la base). Et puis je pense qu’il faut p’têt lui donner une chance d’expliquer son comportement (soit dit en passant, le changement de comportement a été radical à partir du moment où l’autre a été là). Elle qui était ouverte, bavarde, pétillante, elle s’est transformée en huître !

Ophelie1234 ne tarde pas à lui répondre.

Je te comprends Tilou mais pense à toi que diable ! Tu peux trouver mieux vas.

Tilou ne connaît pas celle qui lui dit cela mais si il en avait la possibilité, il se jetterait dans ses bras comme un petit bébé. Il a la migraine. Il va se prendre un cachet avant de poster une réponse.

L’égoïsme n’est pas naturel chez moi. Il faut me provoquer très fort pour que je réagisse ainsi. Pour trouver mieux, va falloir que je m’en persuade. Deux échecs en un an, commence à penser que c’est moi qui déconne. Trop vite dedans ? Mais à ce moment-là, faut qu’on me dise comment on fait pour graduer ? Quand je pars à aimer, c’est tout qui part en même temps… Que la fille soit célibat ou pas. En même temps, c’est la première fois que je suis dans une situation de triptyque.

*

Lundi. Il hésite encore mais avant de franchir le pas de sa porte pour partir au boulot, il se décide à lui envoyer un message. C’est important. Après, tout risque de lui échapper et il sait qu’il n’aura pas la force de résister au rouleau compresseur. Il a pourtant mille raisons de lui laisser du temps au temps malgré l’absurdité de la situation. Mais il y a tellement de choses qui sont floues.

Midi. Pas de réponse. Il lui envoie un nouveau message. Plus explicite. Chaque fois, il a l’impression de se poignarder un peu plus mais l’enjeu n’en est plus à lui-même. Il préfère que l’histoire reste entre lui et elle, même si cela n’a jamais été tout à fait vrai. Trop d’acteurs. Les choses ont été trop vite. Beaucoup trop vite.

Quinze heures. Message bizarre. Une non réponse. Il devrait commencer à en avoir l’habitude mais chaque fois, en fait, c’est un peu d’incompréhension qui s’immisce dans sa tête. Et si, et si, et si… Trop de zones d’ombres, trop de malentendus. « Je ne suis pas dans ta tête, amour… ». Il répond, insiste et obtient enfin une réponse. Les autres le regardent et ne savent rien de ce qui se joue. Ce n’est sûrement pas le moment, pas la manière mais comment faire autrement. Il envoie une dernière question. Il a le cœur lourd, la tête pleine de questions parce qu’il devine certaines choses. Il se dit que c’est lui qui invente parce qu’elle ne lui dit rien qui pourrait étayer le scénario qu’il a imaginé. Il n’a pas osé le mettre par écrit même s’il en a écrit des choses. Ce scénario, c’est peut-être le pire ou le meilleur. En fait, il ne sait pas, il ne sait plus, tous les repères ont disparu. Sa tête et son cœur sont dans le vide quand il pense à cela.

*

Arrivé chez lui, il prend son bloc de correspondance et un stylo. Il faut qu’il lui écrive une dernière lettre. Il sait qu’il ne saura pas quoi dire et qu’il ne pourra rien dire. Il aura le cœur et la tête trop en miettes pour parler et dire des choses sensées. Il se connaît. Dans ces moments-là, il ne sait rien faire. C’est tellement à des années-lumière de lui-même…

*

Mardi. C’est le jour de la rupture officielle. Programmée mais pas tout à fait fixée. Il est heureux comme il est triste, toujours naviguant entre des sentiments contraires, le cœur guimauve qui saigne encore de cet amour incroyable et incontrôlable, la tête et ses raisons qui lui commande de survivre, de s’enfuir avant que la fêlure ne soit fatale. En fait, il sait qu’il gardera une trace indélébile, le genre de blessure qui ne guérit jamais tout à fait. Il a déjà été dans l’extrémité, mais là, il a vu le bord du gouffre. Peut-être même y a-t-il mis un pied ? Pourquoi se dit-il cela ? Parce que une personne normale se sauverait devant cette situation. Elle chercherait à se protéger. Mais lui, il fait les deux en même temps. Même s’il ne le veut pas, il juge celle qu’il appelle son amour mais il n’arrive pas à se dire qu’elle est coupable de quoique ce soit. Peut-être que c’est incompréhensible pour le quidam moyen, mais il se sent capable encore de lui tendre la main au risque que lui ou elle entraîne l’autre cette fois-ci dans une chute vertigineuse au fond du gouffre. C’est le bordel.

Il se lève, se prépare et part au boulot comme d’habitude. Il évite tout le monde mais c’est peine perdue. C’est à croire que le destin veut absolument s’acharner contre lui. Ce qu’il déteste ? Que les bonnes et simples âmes qu’il croise, lui demande comment il va. Pas bien mais leur petite cervelle ne comprendrait. Quand les gens demandent comment ça va, ils n’attendent pas de réponse négative. C’est l’hypocrisie de ce monde.

Les heures passent et il ne sait toujours pas quand le moment va arriver. Il s’énerve, il est déplaisant parce que tout le monde sourit, rigole. Il l’aime toujours, il sait qu’il va la quitter, il a envie de pleurer et tout autour de lui, tout est frivole, léger. Il voudrait pourvoir suspendre le temps, s’arrêter de vivre juste un instant. Mais le temps, lui, n’en a rien à faire que les gens aient le temps de faire le chemin qui pourrait les conduire au meilleur. C’est valable dans ces périodes sombres comme celles où tout va bien. Il a tellement de questions dans sa tête et il sait tellement qu’au moment où il faudra qu’il les pose, il n’en sera pas capable ou il les posera mal. C’est sempiternellement le même scénario. De toute façon, cela se passera mal.

Message. Non il n’est pas chez lui. Finalement, elle lui dit qu’elle n’a pas le temps.

Quelques minutes passent et finalement, elle est chez elle : il peut passer s’il veut.

Il quitte alors le boulot comme un somnambule. Il a la tête vide. Il n’a plus de sentiments. Il a l’impression de ressentir la même chose qu’un condamné à mort ressent quand il marche vers la mort. Toutes les émotions, les idées sont équivalents. Rien n’est bien, ni mal.

Quand elle lui ouvre, il ne la reconnaît pas. Il repense à l’article qu’il a trouvé sur Internet sur la psychose maniaco-dépressive. Le terme n’est pas beau, il préfère bipolaire : c’est plus joli. Même s’il continue à ne pas vouloir croire qu’elle soit atteinte de ce genre de problèmes psychologiques, il ne peut s’empêcher d’y penser. Altération du contact avec la réalité. Idées délirantes sur des thèmes dépressifs.

Il entre. Elle lui propose un verre. Non, ça, il ne peut pas. Il sent sa gorge complètement serrée, sa tête complètement vidée de toute idée. Tout n’est que douleur, un truc qui le traverse de part en part.

« Tiens. » articule-t-il.

Elle prend le sac plastique et lui tend le sien.

« Fais gaffe, il y a tes clés dedans. »

Encore un silence. Ni lui, ni elle ne bouge.

« Tu n’as rien à dire. »

« Non. Je crois que je t’ai tout dit. »

Il détourne le regard et fixe un point imaginaire. La tête lui tourne. Il ne sent vraiment pas bien. Il n’aime être dans cet état. Il sait qu’il peut se révolter et dire des mots qu’il n’a pas envie de dire. La rancune ne sert à rien même si on peut l’éprouver.

« Bon, bah, salut. »

Il se dirige vers la sortie.

« Juste un truc. Voilà… Y a une lettre dans le sac… T’en fais ce que tu veux, tu peux la lire, la garder, la jeter au feu, enfin voilà. »

Il sort. Elle claque la porte. Il ne se retourne pas. Il a l’impression de marcher au ralenti. Devant sa voiture, il reste un instant immobile. Le temps s’arrête. C’est comme cela ? La fin ? Le point final de ce rêve doit-il être aussi absurde que l’histoire était jolie ?

Il monte dans sa voiture, démarre et s’en va.

Son cerveau se remet à mouliner au fur et à mesure qu’il s’éloigner. Il a des larmes devant les yeux et il ne voit plus la route. Il entend des coups de klaxon mais tout cela n’a pas d’importance. C’est la réalité, cela. Ce n’est pas sa vie. Sa vie n’est pas comme cela.

Il prend son téléphone et pianote un SMS :

« Juste un truc aurais voulu te serrer une dernière fois dans mes bras »

Il arrive à un feu rouge et il voit alors qu’il a reçu un message, ou plutôt deux :

« Juste un petit truc sans importance que je voulai te dire mais la discussion n'étai apparemen pas au rendez vous:g 2 mois de retard... »

« Et tu t'en fou que g 2 mois de retard? c pas grave ? CHUI pt etre enceinte mais pas grave? »

Quoi dire ? Dans sa tête, c’est le raz-de-marée. Il y a tellement pensé. Comment peut-elle croire qu’il s’en fout ? Depuis quatre longues semaines, il a cette idée qui lui trotte dans la tête. Depuis quatre semaines, il voudrait la voir pour trouver les mots pour aborder la question. Depuis quatre semaines, il est dans le flou total avec ce qu’il sent par intuition et ce qu’il sait réellement. Elle est où la réalité dans tout ce merdier ? C’est quoi la vérité ?

« Le reviens » il envoie.

« Non y à rien à dire de plus je voulai que tu le sache c tout » répond-t-elle comme si il s’agissait d’une information comme une autre.

Cela le met hors de lui.

« Le le savais »

« Commen Ça? »

« Parce les symptomes »

La réponse est complètement délirante.

« Mais non y à pas de symptome quoi Ça veut dire que g grossi? non ba Ça Ça arrive sans etre enceinte,mais y à pas de symptome.tu me fai FLIPE là »

Dans sa tête, il se repasse tous les échanges qu’ils ont eu par SMS et par mail. L’expérience. La différence d’âge. Oui, cela fait une différence. On ne balance pas des choses comme cela pour rien. On ne prend pas ce genre de choses à la légère. « Toi, tu n’y as peut-être pas réfléchi depuis des années ». Six ou sept ans qu’il garde cela dans un coin de sa tête en permanence. Il ne répond pas. Il a déjà fait demi-tour, faillit emboutir deux ou trois voitures au passage. De toute façon, il s’en fout. La route, il ne la voit plus au travers de ses larmes. C’est cela qu’elle appelle essayer de gérer sa vie. C’est pour cela qu’elle ne voulait plus le voir. Pour éviter de se confronter à la réalité. « Suis-je enceinte ? Qui est le père ? ». Parce que, maintenant les pièces commencent à s’emboîter.

« Mai je ne te reproche rien c toi qui ma dit que qd y avait d problèm comme Ça fallait pas se dire que s'étai juste de notre faute c pas toi qui à mal fai alors arrete de te monté la tete tu n'à fait qu'etre toi.et moi aussi c ce que g fait seulement je peu pas géré mes problèmes et 2 mecs.tu voi mes problème passe avant le fait d'etre avec quelqu'un ou pas. c pas mon centre d'intéret du moment je peu pas m'occupé de Ça et suis g meme pas envie d'y pensé. c ma vie c pas celle de l’autre ni la tienne alors je pense que c plus important de réglé ce qui se passe dans ma tete je peu pas n'etre qu'à demi avec toi je peu pas t'infligé Ça je peu pas passé d momen avec toi si je pense à tout ce qui va pas. ok un couple c censé partagé ces problème justemou mais pas au bout de 2 mois. »

Il a ce message qui lui revient en mémoire. « C’est quoi, le centre d’intérêt ? Toi ? Ben non. Là ça ne marche pas comme cela. 2 mois en plus, pauvre gamine pas finie. Cherche pas pourquoi t’es malheureuse et que tu ne réussis rien. Même devant un choix, tu choisis de ne pas choisir, de laisser toutes les portes ouvertes, de prendre tous les chemins et tu crois que cela va te mener quelque part ? Oui, là, cette fois, tu auras peut-être le droit de dire que je suis méchant mais en même temps, est-ce vraiment de la méchanceté ? Toi qui ne fais pas la différence entre contrainte et engagement, comment veux-tu faire la différence entre quelqu’un qui te secoue pour que tu réagisses et quelqu’un qui te donne un coup ? »

(suite en cours d’écriture)

*

Mercredi. L’histoire continue. Malgré l’impression laissée par la conversation d’hier, il reçoit un message qui lui dit que, finalement, elle a compris que rester dans l’expectative n’était pas bon. Elle a réalisé aussi ce qu’elle lui avait dit en guise d’adieu. « C’est fini. Mais pas tout à fait ». A-t-elle pensé aussi que dans tout ce bordel, c’était quand peut-être la première fois que l’on lui annonçait qu’il était père et qu’en même temps, quoiqu’il se refuse à se poser la question trop tôt, il y aura un choix terrible. L’a-t-elle pensé ? Peut-être, peut-être pas, elle a aussi les mêmes questions dans la tête sûrement.

Il l’appelle. Ce n’est pas évident. Il lui dit de prendre les questions une à une et pas d’anticiper. Ils plaisantent. Il lui explique encore certaines choses sur ce que lui a pensé et quand. Il n’y a pas vraiment de but à cela sinon enlever l’ambiguïté de quelques questions posées à la place d’autres. « Est-ce qu’il y a quelque chose que je devrais savoir ? » au lieu de « Est-ce que tu es enceinte ? ». En relisant le fil des événements plus tard, il se rend compte que la question est arrivée avant ce qu’il lui a dit. Deux heures avant. Mais c’est vrai que tout était flou. Il parle encore. Elle parle. Il fera ce qu’il faut même si se replonger dans ce passé encore brûlant, ce n’est vraiment pas facile. Ils se disent « Bisous », un peu comme avant. Il faut attendre demain. Une attente énorme. Quelle certitude auront-ils après ? Il ne sait pas. Il ne sait pas quelles informations, quel crédit peut-on leur accorder ? Sera-ce suffisant pour mettre un point final à cette histoire ? Il se surprend à avoir des espoirs. Non vraiment, c’est dur. Il n’est pas guéri. Il est allé plus vite que son cœur et maintenant, il doit assumer cette contradiction. Sa tête fonctionne à l’envers de son cœur. Cela pourrait être une belle formule littéraire de fiction : mais voilà, tout cela c’est bel et bien la réalité, une réalité qu’il faut gérer.

*

Jeudi. La journée est interminable. Il a du boulot par-dessus la tête mais il n’arrive pas à se fixer. Le temps est bizarre. C’est long et court à la fois. Les heures défilent à toute vitesse mais il a l’impression que le temps a suspendu son cours. Il se dit que tout ceci est un cauchemar et par moment, il se dit que cela peut être aussi un espoir d’un retournement de situation qui arriverait en retard. Il ne sait pas s’il ne l’aime plus parce qu’autant, au fond, cet espoir réchaufferait son cœur, autant dans sa tête, ce serait un peu comme si le cauchemar continuait. Tous ses sentiments et ses idées sont contradictoires. Il sait qu’il pourrait tout dire et son contraire dans une seule et même phrase. Il sait l’heure de son rendez-vous chez le médecin. Quatorze heures trente, l’heure passe. Une autre heure et encore une autre. Pas de nouvelles. C’est quoi ce silence ? C’est le calme avant la tempête ou l’inverse. Cinq heures, il quitte le boulot. Les gens dans la rue lui semblent être des ombres, des pantins. Ou peut-être est-ce lui l’ombre et le pantin ?

Une fois chez lui, il se prend une bière. Pas de nouvelles. Il envoie un message. Il sait pas trop comment le tourner mais au bout de la dixième version, il finit par trouver une formulation qui lui paraît neutre. Il marque un temps d’hésitation avant d’appuyer sur le bouton [Envoyer]. Accusé. Puis deux heures passent. Il ne tient plus. Il appelle, laisse un message. Il ne sait plus depuis combien de temps quand le message tombe « Tu peux m’appeler ? ». Il appelle. Comme d’habitude, la conversation lui semble irréaliste. Elle lui dit que c’est confirmé : elle est enceinte. Et ? Que ce n’est pas lui le père. Et là, c’est un peu comme si deux mondes se mettaient à coexister dans sa tête. C’est à la fois, la sortie du tunnel et l’entrée dans un autre où normalement, il ne devrait pas mettre les pieds. Mais voilà, c’est un peu de cette histoire sans queue ni tête qui se poursuit.

Elle ne sait pas s’il faut qu’elle le garde. Elle en a envie mais elle n’aime pas le père. Elle ne peut pas en parler avec lui parce qu’il est forcément d’accord pour le garder. Il ne sait pas quoi lui dire sinon lui redire ce qu’il a essayé de lui faire comprendre pendant tout le temps de leur relation. Elle lui dit qu’il fait partie des seules personnes à la comprendre. Il tente de le cacher mais il pleure quand elle lui dit cela. Voilà toute la contradiction. Tout est dans le choix.

Quand il raccroche, il reste un moment immobile. Son cerveau se fige. Son cœur s’est remis à battre mais c’est l’incompréhension totale de la morale de cette histoire qui lui échappe. Il sait que les gens ne sont pas parfaits, ils peuvent être changeants et illogiques. Lui aussi est comme cela, sinon qu’il n’en serait pas arrivé là. Mais là, ce n’est plus de cela qu’il est question. Il n’y a pas de morale, ni vraiment de leçon à tirer de cette histoire. Du moins, pas tout de suite. Et puis si, en fait, juste choisir aurait changé le cours du récit. Ne pas rentrer dans cette histoire sans imposer en préalable ce choix. Ne pas laisser de côté les choses qui ne vont pas bien, choisir de les changer. Choisir. Choisir. Choisir. Juste cela.

Il a les larmes qui lui montent aux yeux. Son cœur fait des nœuds. C’est peut-être aberrant mais il aurait voulu que la réalité soit différente. Il a tellement rêvé de ce moment-là, que ce serait la plus belle chose de sa vie. C’est égoïste de penser cela. Il met sa tête sous l’oreiller pour que personne n’entende. Il pleure tout cela.

*

Trois semaines. C’est ce qu’elle lui a dit au téléphone. En reprenant le fil des événements, les dates, cette histoire n’a aucun sens. Elle s’est foutue de lui jusqu’au bout. Elle s’est remise avec son mec avant même de lui dire qu’elle ne voulait plus de lui. Alors comment lui pardonner ? Comment être là pour une personne qui n’affronte rien de la réalité, qui ne sait pas, ose-t-il encore croire, qu’elle fait du mal ? Lui pour qui un enfant est un désir qu’il couve depuis des années, depuis qu’il a dix-huit ans et qu’il n’a jamais pu, ne serait-ce imaginer que cela puisse arriver car jamais la situation n’a été favorable. Comment pardonner le fait qu’à chaque fois qu’il entendra le mot « enceinte », c’est cette histoire qui lui reviendra en tête comme un cauchemar ? Il poste cette question sur un forum sur le Net mais personne n’ose lui répondre.

Dans tout ce qu’il écrit depuis des années, il a ce rêve de ce ventre rond qui se tend. Il a ce rêve où il pose son oreille contre cette paroi et il entend ce cœur battre. Ce n’est pas le sien mais c’est tout comme. Et maintenant, ce qui était un rêve est une souffrance dans sa tête qu’il n’arrive pas à ôter. Personne ne peut comprendre pourquoi ce désir est si profond chez lui. Lui le sait et maintenant, il se sait condamné à garder ce souvenir de merde incrusté dans le creux de ses neurones. Il a envie d’hurler sa haine. Il a envie de ne plus exister. Cette terre est faite de fange alors pourquoi prolonger le voyage ?

*

Encore un soir où il repense à tout ce qui s’est passé. Il sait que cela est vain et qu’il n’aura aucune réponse à ses questions sinon celles qu’il s’inventera. Quel intérêt pourront penser certains ? Pas grand-chose serait-il tenté de leur confier sinon que de calmer cet incessant manège de questions tournantes dans sa tête.

Il repense à ce soir-là où ils se sont embrassés goulûment devant tout le monde sans avoir de retenue ni pour eux, ni pour personne. C’était de l’amour pur sans fard ni paillette. Il repense à cette photo prise sur le vif de cet instant où rien ne pouvait les atteindre. Etait-ce un instant futile, un simple caprice de deux gamins qui refusent la réalité. Non. Ce n’est pas qu’il veuille transformer l’histoire mais il ne peut pas croire que ce soir-là n’ait été qu’un concours de circonstances.

Il repense à cette nuit où, après son boulot, elle est venue chez lui. Il souvient du message : « Tu prépares le bain ? ». Ce bain où ils étaient trop bien, nus l’un contre l’autre.


dernière modification : Orléans, le 14 janvier 2007, Tilou